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Jéromine Pasteur, "Femmes-oiseaux"

Posted By: TimMa
Jéromine Pasteur, "Femmes-oiseaux"

Jéromine Pasteur, "Femmes-oiseaux"
Belfond | 2012 | ISBN: 2714450512 | Français | EPUB | 288 pages | 2 MB

Éloïse, une photographe française mariée à un architecte argentin de Buenos Aires, décide de partir au Pérou pour un séjour de trois mois en forêt, parmi les Indiens de la cordillère de Vilcabamba. Accueillie dans un village, elle va devoir partager le destin d’une communauté en lutte pour sa survie et apprendre elle-même à affronter ses propres démons. La région, infestée de trafiquants, vient d’entrer dans un cycle de violence infernale. Des guerilleros du Sentier lumineux, traqués par les forces gouvernementales, recrutent de force les Indiens de la Grande Forêt, incendient leur terre et saccagent les missions qui leur offraient jusqu’alors asile. Le clan chez lequel séjourne Éloïse doit gagner de nouveaux territoires à travers de périlleux sentiers de montagne. Pourchassés par les senderos, affamés, leur exode prend l’allure d’une odyssée mythique. Éloïse, la viraconcha, la blanche, y rencontre son propre destin, entourée de femmes qui l’initient et la protègent. Et c’est au fil de cette épreuve que la jeune femme, blessée par un amour perdu, deviendra la femme-oiseau, celle capable de lire le sens de la vie, et d’en prodiguer les clartés autour d’elle. Un grand roman d’apprentissage, porté par le souffle poétique et la sincérité d’un auteur pour qui la seule aventure qui vaille est celle de l’être humain, appelé à se réconcilier avec lui-même et son environnement.
Éloïse soupesa son sac à dos et, satisfaite, le laissa retomber. Ce n'était pas la première fois qu'elle se rendait en forêt tropicale et elle avait pris soin d'éliminer tout ce qui n'était pas indispensable.
L'horloge accrochée au mur de l'appartement indiquait vingt heures. La jeune femme tendit une main fébrile vers le billet d'avion posé sur la table, puis se ravisa. Comme si elle ne connaissait pas l'horaire ! Buenos Aires/Lima : départ 0 heure 25. Rien ne pressait, même s'il lui tardait déjà d'être en route. Elle vérifia de nouveau le contenu d'une sacoche, en sortit un appareil photo et plusieurs objectifs avant de les remettre délicatement en place. Elle sembla hésiter. Mais non, elle ne devait pas s'encombrer. Elle ferait son travail avec le strict minimum. Lentement, elle tourna sur elle-même et parcourut la pièce du regard. Mais cela aussi elle l'avait déjà fait : veiller à ne laisser ici aucun objet qui pourrait lui manquer là-bas. Elle secoua la tête en riant, se moquant de sa nervosité. Son passeport, un peu d'argent, et son matériel de photographe. C'était l'essentiel. Et ce qu'elle oublierait était sans importance.
Elle entassa ses affaires près de la porte d'entrée et retourna dans le salon. Une petite pelote grise traînait sur le tapis. Elle la fit doucement rouler du bout du pied. Un grelot se mit à tinter, tandis qu'un bout de ficelle tournicotait en imitant les mouvements de queue d'une souris. Éloïse ramassa le jouet et le posa avec tendresse sur une étagère. Machinalement, elle en profita pour remettre d'aplomb une photo : celle d'une jeune mariée, tout en dentelles, tout en beauté.
Par la baie vitrée qui s'ouvrait sur un large balcon, un parfum de fleurs montait du jardin. Éloïse sortit et s'accouda à la balustrade pour contempler la nuit. De ce dernier étage la vue était imprenable. Rien ne bougeait. Le reflet de la pleine lune, nonchalant, s'était posé sur le Rio de la Plata. Le fleuve semblait figé dans la touffeur de la nuit. Seules les balises de navigation poursuivaient leur besogne, infatigables, guidant les navires vers les ports du delta.
- Comme c'est beau, murmura Éloïse, mais quelle chaleur ! Pas bon signe, ça.
Au même instant, très loin à l'ouest sur la pampa argentine, une série d'éclairs vint lui donner raison.
- Zut ! On va se faire secouer !
Éloïse fit volte-face, oubliant le Rio, la lune et la splendeur de la nuit. Le carré parfaitement coupé de ses cheveux noirs - frange à mi-front, pointes effleurant les épaules - tourna comme un jupon de soie et reprit sa place autour du visage décidé et simplement beau de la frêle jeune femme. Elle prit ses affaires puis, sans un regard derrière elle, referma doucement sa porte.