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Pierre-Noël Giraud, "L'inégalité du monde: Économie du monde contemporain"

Posted By: TimMa
Pierre-Noël Giraud, "L'inégalité du monde: Économie du monde contemporain"

Pierre-Noël Giraud, "L'inégalité du monde: Économie du monde contemporain"
Gallimard | 2019 | ISBN: 2070465861 | Français | PDF | 410 pages | 6.7 MB

"Pourquoi y a-t-il des riches et des pauvres ?" Pour Pierre-Noël Giraud, comprendre les inégalités constitue l'interrogation majeure de l'économie. Examinant l'histoire des capitalismes depuis le XVIIIe siècle, il décèle un retournement de tendance dans les années quatre-vingt. Si, jusqu'à cette période, les écarts de richesses entre pays se sont accrus, les inégalités sociales internes ont diminué. C'est l'inverse qui se produit aujourd'hui sous l'effet de la globalisation. Les nouveaux pays industrialisés et les "pays à bas salaires et à capacités technologiques" profitent des échanges internationaux et de la "nomadisation des activités capitalistes" pour se développer et combler une partie de leur retard. Mais les travailleurs non qualifiés des pays développés en subissent les conséquences, provoquant à terme un laminage des classes moyennes salariées, éclatées entre les compétitifs, les protégés et les exposés à la concurrence internationale.
Une thèse stimulante sur les effets de la mondialisation. –Gery Dumoulin

Biographie de l'auteur
Né en 1949, Pierre-Noël Giraud est un économiste français, diplômé de l'Ecole polytechnique, des Mines de Paris et de Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Il enseigne actuellement à Mines Paris Tech, à Dauphine PSL Research University et à l'Université Mohamed VI Polytechnique à Ben Guerrir. Ses domaines de recherche sont d'une part l'économie des ressources naturelles, d'autre part les globalisations, la finance et leurs effets sur les inégalités. Il est par ailleurs Ingénieur Général des Mines et membre (fondateur) de l'Académie des Technologies.
"Notre avenir le plus probable en Europe me semble devoir être l'accroissement des inégalités et le laminage des classes moyennes". C'est à cette conclusion guère optimiste qu'aboutit Pierre-Noël Giraud, professeur à l'École des mines de Paris et à l'université Paris-Dauphine, après une étude de la mondialisation économique s'inscrivant dans la longue durée. L'auteur prend comme point de départ l'Ancien Régime, époque de "capitalisme nomade" où le niveau de vie moyen des grandes régions du monde était à peu près égal, même si de fortes inégalités existaient à l'intérieur de chaque région. Avec la révolution industrielle puis l'ouverture des frontières, les inégalités entre États se réduisent encore : "le XXIe siècle verra enfin les trois grandes civilisations multimillénaires : la descendance du monde grec, la Chine et l'Inde, faire face à des conditions économiques parfaitement égales."
Toutefois, la rançon de cette égalisation mondiale serait la croissance des inégalités à l'intérieur des pays riches, aboutissant à la disparition des classes moyennes. L'ouvrier européen n'aura le choix qu'entre accepter des réductions de salaires ou être au chômage ; et les secteurs dits protégés du tertiaire ne resteront pas longtemps un refuge confortable. Le seul choix est bien entre différents modes d'égalités, puisque "il existe une solution au chômage : lever tous les obstacles à la baisse des revenus directs et indirects (protection sociale) du travail exposé et du travail protégé". – Stéphane Buron– – Futuribles

Le bel avenir des inégalités
L'histoire de l'économie peut se lire à travers celle des inégalités: entre pays, et entre individus au sein d'un même pays. Or, explique Pierre-Noël Giraud dans ce livre original et captivant, ces deux types d'inégalités ont suivi des mouvements curieusement croisés.

Jusqu'au début du xixe siècle, dans un monde essentiellement agricole, les niveaux de richesse par tête des trois zones les plus peuplées - Europe, Inde, Chine - sont très proches, alors que les sociétés sont profondément inégalitaires.
Avec la révolution industrielle, l'Europe puis les Etats-Unis prennent de l'avance. Et si leurs inégalités internes se creusent dans un premier temps, l'enrichissement général entraîne assez vite une réduction des écarts sociaux. Cette dynamique devient très puissante au xxe siècle, mais s'interrompt dans les années 70: le rattrapage du Tiers Monde s'amorce, puis s'accélère; en même temps, les inégalités se creusent de nouveau dans les pays riches.

Ces basculements séculaires ne relèvent, aux yeux de l'auteur (professeur à l'Ecole des Mines), d'aucune loi économique. Marqué par la pensée historique de Fernand Braudel, il ne voit pas dans l'économie un ensemble homogène, uniquement peuplé d'acteurs rationnels à la recherche du profit maximal.

Il existe au moins une catégorie qui n'obéit pas à cette logique: celle des Etats. Chaque société se donne des normes que l'économiste ne peut que constater. Ainsi, l'euphorie des Trente Glorieuses a pour origine la coïncidence de deux choix politiques.
D'abord, paradoxalement, le repli protectionniste des pays développés, datant de la crise des années 30. Ensuite, la progression régulière du pouvoir d'achat, organisée par les Etats à travers la régulation du dialogue social et la redistribution des richesses. Cette "croissance sociale-démocrate autocentrée" a accru l'avance des pays riches et considérablement réduit leurs inégalités internes - notamment parce que, en l'absence d'une concurrence extérieure trop vive, rien ne s'opposait à la hausse générale des salaires.

La mécanique s'enraie à partir des années 70. Alors que l'Europe et le Japon rattrapent les Etats-Unis et que de nouveaux acteurs agressifs apparaissent, les économies cessent d'être complémentaires pour devenir concurrentes, d'autant plus âprement que les barrières s'abaissent.
Or nous ne sommes encore qu'au début de cette globalisation. Après les nouveaux pays industrialisés, qui ont mis quelques décennies pour atteindre le niveau technologique des vieux pays riches et ne comptent que quelques dizaines de millions d'âmes, arrive maintenant une vague de pays beaucoup plus peuplés, disposant déjà de travailleurs qualifiés et d'ingénieurs en grand nombre, et dans lesquels le niveau des rémunérations sera durablement tiré vers le bas par l'existence d'immenses réservoirs de main-d'oeuvre: Chine, Inde, ex-Union soviétique, Europe de l'Est, Brésil, Mexique…

Le mouvement de balancier va s'accentuer: ces économies rattraperont leur retard, mais le creusement des inégalités internes va amener les pays riches vers la "fin des classes moyennes". A moins, suggère l'auteur, qu'un consensus ne s'établisse sur une limitation du libre-échange, compensée par des aides aux pays émergents pour les mettre, à leur tour, sur le chemin d'une "croissance autocentrée". Mais ce n'est pas, reconnaît-il, la pente la plus probable. –Gérard Moatti– – L'Expansion