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Au combat : Réflexions sur les hommes à la guerre - Jesse Glenn Gray

Posted By: iBooker
Au combat : Réflexions sur les hommes à la guerre - Jesse Glenn Gray

Au combat : Réflexions sur les hommes à la guerre - Jesse Glenn Gray
Français | 2012 | ISBN: 2847346805 | EPUB | 298 pages | 0.3 MB

Mobilisé en mai 1941 le jour où il reçu son diplôme universitaire, Jesse Glenn Gray est un curieux phénomène : non pas un soldat journaliste comme Michael Herr ou un soldat romancier comme Ernest Hemingway mais un soldat philosophe, un vrai.

Futur traducteur et introducteur de Martin Heidegger aux Etats-Unis, Gray n'offre pas un journal chronologique mais une méditation sur les hommes pris dans la Seconde Guerre Mondiale (le titre originel anglais de 1959 est « Warriors », qui évoque plus les guerriers que le combat), découpée en grandes questions, nourries d'observations à chaud : sur le souvenir, la mort, l'amour, l'ennemi, la culpabilité du soldat…

Le tout sous la forme d'une curieuse mise en abîme, où le philosophe observe l'Américain qui observe le soldat - pas toujours dans cet ordre. Dans ces pages, on croise plus souvent Kant, Freud, Hobbes et Platon que le Sergent York : ce n'est pas un livre pour les amateurs de témoignages, mais plutôt, pour l'écrivain, une façon de soigner ses « blessures intellectuelles » et, pour le lecteur, une incitation à réfléchir, notamment sur le sentiment de répulsion-fascination pour la guerre (un thème qui nous est cher, à Guerres & Histoire). Une bonne partie du livre tourne autour de ce paradoxe, qu'illustrent ces confessions recueillies par Gray en France : « Tout vaut mieux que cette vie où jour après jour rien ne se passe.

Vous savez que je n'aime pas la guerre et que je ne désire pas qu'elle recommence. Mais au moins me faisait-elle sentir vivante, comme je ne me suis jamais sentie vivante avant ou après elle. » L'autre grand sujet récurrent est la haine de l'ennemi. A la différence d'Eisenhower qu'il cite, Gray ne voit pas sa guerre comme une croisade et l'idée de considérer l'ennemi comme autre chose qu'un être humain le révulse profondément. Son livre fourmille de cette incompréhension. « Elle avait l'air d'être une femme charmante, et elle l'était effectivement, mais elle parlait des ennemis de la France avec une telle brutalité ! », écrit-il à propos d'une résistante française qui se « délecte » des représailles contre les collaborateurs. Brutalité, certes…

Cette position distanciée, généreuse et louable laisse cependant un curieux sentiment. Gray semble percevoir la Seconde Guerre Mondiale comme UNE guerre, sans en saisir sa spécificité. Aurait-il pu écrire ainsi s'il n'était né en Pennsylvanie et pas dans le ghetto de Berditchev, comme Vassili Grossmann ?

A noter en ajout à cet ouvrage profond et émouvant deux passionnantes préfaces, celle (récente) de l'historien de la Grande Guerre Bruno Cabanes et celle (de 1966) signée par Hannah Arendt, philosophe et amie de l'auteur.